Femmes seules : solitude choisie, ou subie (Partie 2)
- Fodabi
- 5 déc. 2018
- 4 min de lecture

La solitude plaisir
Quand elles comprennent que, ni choisie ni subie, la solitude est un temps qu’elles s’offrent à elles, les femmes seules retrouvent des émotions profondes. « Je pense qu’il faut déconnecter le mot “solitude” de nos peurs, dit Danièle. Elle est un état d’une très grande richesse. La vraie solitude, ce n’est pas être seule, c’est être avec soi-même. Il faut trouver un équilibre entre soi et soi, comme dans le couple il faut trouver un équilibre entre soi et l’autre. Il faut s’aimer, et pour s’aimer, il faut savoir se faire plaisir, prendre soin de soi, sans être connectée au désir de l’autre. »
Emma se souvient de ses premiers mois de célibat : « J’ai longtemps vécu en couple, enchaînant les relations, quittant un homme pour un autre. Jusqu’au jour où j’ai compris que je courais après quelqu’un qui n’existait pas. Il y a six ans, j’ai pris un appartement seule. Au début, cela a été très dur. Pas tant dans la souffrance que dans l’étrangeté. J’avais le sentiment de flotter, de ne pas avoir de repères. J’ai découvert que je ne connaissais rien de mes désirs, de mes envies, de ce que j’aimais vraiment. Il a fallu que je prenne la décision de partir à la rencontre de moi-même, et c’est un bonheur inouï de m’être trouvée. »
Bérangère, 34 ans, parle de générosité envers soi-même : « Célibataire depuis quatre ans après une vie de couple qui a duré sept ans, j’ai découvert énormément de peurs en moi, des résistances, des blessures, une énorme sensibilité, une profonde tristesse, de la colère, un manque de confiance, l’ennui, un grand sentiment de culpabilité. Mais aussi de la force, de la persévérance, de la combativité, de la volonté. Aujourd’hui, j’ai envie d’apprendre à aimer et à être aimée, j’ai envie d’exprimer ma joie, d’être généreuse… » C’est cette générosité et cette disponibilité dont témoignent ceux qui côtoient des femmes seules épanouies. Et qui en arrivent à s’interroger : « Elles sont tellement bien dans leur vie qu’il n’y a peut-être pas la place pour quelqu’un d’autre. »
Une question que se pose Bérangère : « J’ai appris à me protéger, mais cela m’a aussi éloignée des autres et des hommes en particulier. Le piège du célibat, c’est que l’on est forcément plus tranquille seule. Pas de concessions à faire, pas de cœur qui s’emballe, on contrôle. Or, qui dit amour dit transformation, changement, prise en compte d’un autre que soi, avec toutes ses différences… Suis-je prête à ça aujourd’hui ? Je crois que j’ai peur de me perdre dans l’amour… »
La solitude attente
C’est à cette imperceptible balance entre solitude-plaisir et solitude-souffrance que se trouvent confrontées les femmes seules. Et, à l’idée de la rencontre, Emma s’inquiète : « Mon regard sur les hommes se durcit, devient plus exigeant. J’ai eu quelques aventures, mais, dès que quelque chose ne va pas, je cesse la relation parce que, justement, je n’ai pas peur d’être seule. En revanche, j’ai peur de l’amour de l’autre, d’être envahie dans l’espace, dans le temps, dans les sentiments. Je crains également de ne pas savoir donner assez. Paradoxalement, la solitude a tué en moi la spontanéité, la naïveté et l’innocence. Pour moi, l’amour n’est plus un conte de fées. »
Le deuil du prince charmant n’est pas évident. « Mon passé amoureux est catastrophique, témoigne Christine, 39 ans, célibataire depuis cinq ans. J’ai eu beaucoup d’aventures sans lendemain, car j’étais toujours à la recherche de “mon sauveur”. J’ai compris que l’amour, ce n’est pas ça. Je veux continuer à travailler sur moi afin d’être prête pour la rencontre, et ainsi pouvoir faire un bout de chemin avec quelqu’un que j’aurai choisi et qui m’aura choisie, mais pas par dépit ou désespoir. J’ai envie de partage, d’échange, d’une relation saine et pleine de vie. Il y a des jours où je désespère, puis d’autres où l’espoir me fait sourire. C’est dur de ne pas avoir de tendresse, mais j’ai renoncé aux aventures dans lesquelles je cherchais de l’affection, car j’en ressortais toujours plus meurtrie. Il faut beaucoup de patience, mais je crois que ça vaut le coup d’attendre. »
Attendre l’autre dans la sérénité, c’est également ce à quoi aspire Marianne, 46 ans : « Célibataire depuis plus de dix ans, j’avoue avoir eu besoin de cette forme de solitude pour me protéger, me reconstruire, me trouver. Aujourd’hui, je suis enfin une amie pour moi-même et, plus que la fin d’un célibat, j’espère une relation vraie, pas un fantasme ni un leurre. » La solitude apaisée peut être celle de l’attente tranquille, avec ses manques, mais sans dépendance : « Je vis une solitude à la fois subie et choisie, admet Véronique, 42 ans. Elle est subie, car j’admets mon envie d’un homme dans ma vie, mais elle est choisie parce que je ne suis pas prête à la sacrifier pour n’importe qui. Je suis simplement exigeante parce que je veux de l’amour, du vrai et du beau. Voilà mon choix : prendre le risque, sciemment, de ne rencontrer personne. C’est le grand luxe que je m’offre : être exigeante dans une relation d’amour. Parce que je le mérite. »
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